Les yogas tibétains, que l'on trouve aujourd'hui en Occident et à travers le monde, sont issus des nombreuses lignées du bouddhisme tibétain et remontent même pour certains aux traditions pré-existantes au bouddhisme au Tibet, ce qui les place parmi les plus anciennes disciplines du mouvement en Asie. Indissociables de la médecine tibétaine et du bouddhisme tibétain, les yogas tibétains nous permettent d'utiliser le corps pour retrouver et maintenir notre santé physique, mentale et énergétique, stabiliser notre esprit et se libérer de nos blocages afin de cheminer, ultimement, vers l'illumination spirituelle.

 

Les lignées

Traditionnellement, les exercices étaient réservés à un nombre restreint de disciples, transmis d'un maître à un élève à la fois, et pratiqués durant toute une vie dans le cadre des monastères ou en retraite dans l'isolement des montagnes. Le fonctionnement des lignées à permis de garder intact l'enseignement des différents yogas tibétains jusqu'à nos jours, et il est possible ainsi de remonter aux origines de chacun d'eux. C'est ainsi que nous avons l'assurance de la qualité et de la pureté de l'enseignement. De nos jours, la possibilité d'enseigner s'est élargie à de nombreuses personnes en dehors du contexte monastique ou érémitique, ce qui nécessite un soin tout particulier à la préservation de la qualité des enseignements. Tout enseignant de yogas tibétains doit avoir été formé par un maître ou enseignant reconnu du bouddhisme tibétain et avoir reçu son autorisation pour l'enseigner. Il devient ainsi enseignant dans la lignée de ce maître.

 

Les canaux et le souffle

Par différents types d'exercices, les yogas tibétains, amenant une connaissance approfondie du fonctionnement énergétique du corps propre au bouddhisme et à la médecine tibétains, rétablissent l'équilibre sur plusieurs plans. Au niveau physique, les exercices accroissent la chaleur interne, favorisant et accélérant les processus métaboliques et renforçant le système immunitaire. Sur le plan énergétique, nos canaux (voir la rubrique « médecine tibétaine » du site) ont tendance à devenir rigides et à se rompre, rendant difficile le flux des souffles subtils dans notre corps, indispensable à la santé physique, émotionnelle et mentale. Les exercices, alliant la respiration et les mouvements, vont favoriser la souplesse et la solidité des canaux et rétablir le flux énergétique. Ils sont issus de générations de maîtres ayant une connaissance approfondie de la médecine tibétaine et du bouddhisme tibétain, des pratiques agissant sur les canaux, les centres énergétiques et la circulation des souffles subtils. Une bonne circulation énergétique aura pour conséquence une meilleure santé physique, un plus grand calme mental, la stabilité émotionnelle et une plus grande clarté d'esprit. Le souffle étant lié à l'esprit, ces exercices sont pratiqués conjointement à la méditation et permettent, lorsqu'ils sont transmis dans l'intégrité du système dont ils relèvent, un profond chemin de transformation.

 

 

 

 

La médecine tibétaine est un des plus anciens systèmes de guérison holistique, pratiqué depuis le 8ème siècle. Intégrant des méthodes thérapeutiques originaires des Indes, de la Chine, de la Perse et de la Grèce, compilées et concentrées au fil des siècles et liées à la science tantrique bouddhiste, la médecine traditionnelle tibétaine est devenue un vrai art de guérison encore pratiqué aujourd'hui et dans lequel nous pouvons puiser beaucoup de sagesse.

Elle a pour source les quatre tantras de médecine connus sous le nom de Gyud Zhi. Transmis de maître à élève dans le même souci de préservation des lignées que dans le bouddhisme tibétain, le Gyud Zhi apporte de nombreuses pratiques alternatives déjà populaires en occident telles que la méditation, les yogas tibétains et les remèdes à base de plantes médicinales. Son approche intègre le bien-être physique, psychique et spirituel du patient et du médecin, ainsi la médecine tibétaine est indissociable de la sagesse du bouddhisme tibétain et de l'astrologie bouddhiste.

 

L'anatomie énergétique

Pour la médecine tibétaine, le corps physique est imprégné d'un réseau de canaux énergétiques qui permettent au tsog-lung, ou « force vitale », d'alimenter l'entier du corps. Il existe trois canaux principaux et 72 000 canaux mineurs, dont les intersections forment les chakras. Maintenir la souplesse et l'ouverture de ces canaux est primordial pour maintenir une bonne santé. Les déséquilibres énergétiques prennent leur source dans l'esprit du patient qui fait l'expérience du monde à travers une perception teintée par marigpa, la croyance en un soi solide ou l'ignorance fondamentale de la nature des choses, qui est la cause de toutes les souffrances pour le bouddhisme.

 

Les trois humeurs

La médecine tibétaine décrit nos trois forces vitales de base, ou trois humeurs, dont le déséquilibre dans le corps crée les conditions de l'apparition d'une maladie. Ces trois humeurs sont Lung (élément vent), Tripa (élément feu) et Baekan (éléments terre et eau). Chacune de ces humeurs a un rôle particulier dans le corps : Tripa est entre autre associé à la chaleur digestive et à l'assimilation des nutriments et Baekan est en lien avec les fluides du corps, tandis que Lung est très connecté à l'esprit et la force vitale. L'expérience de l'esprit va avoir une répercussion sur l'énergie du Lung. Lorsque le Lung est en déséquilibre, il en découle un stress physiologique et énergétique qui va perturber également les deux autres humeurs de Tripa et Baekan. La compréhension des effets du déséquilibre du Lung permet aux médecins tibétains, les amchis, de traiter efficacement le stress et ses effets secondaires comme l'anxiété et la dépression, des désordres qui sont courants de nos jours.

 

Les causes et la nature des maladies

La médecine tibétaine définit les maladies en fonction de leurs causes, puis en fonction de leur nature. Les causes sont l'alimentation, les habitudes de vie, les saisons et le karma. La nature des maladies est décrite par les bouddhistes, dans un sens spirituel, comme résultant des trois poisons mentaux, l'ignorance, la colère et l'attachement, qui déséquilibrent Lung, Tripa et Baekan. La transformation de ces trois poisons est au centre de la pratique du Tantrayana, le bouddhisme tibétain étant fondamental pour la médecine tibétaine. Cela n'est en rien un obstacle à ses possibilités de soulager les maux de toute personne, indépendamment de ses croyances et appartenance, puisque nous avons tous un corps et un esprit.

 

Les méthodes

Il est dit que la première maladie décrite fut l'indigestion et que le premier remède administré pour la soigner fut l'eau bouillie. Cela souligne l'importance du bon fonctionnement du système digestif, ainsi que l'importance de la diététique et du mode de vie à des fins préventives et curatives.

L'amchi utilise la prise du pouls comme première méthode de diagnostic afin de connaître l'état général du patient, l'équilibre de ses trois humeurs et l'état de ses organes internes. Selon le cas, il procède aussi à un examen de la langue, une analyse d'urine, une anamnèse et s'aide de données astrologiques. L'astrologie permet de déterminer par exemple la période favorable pour le début d'un traitement ou le cycle du Lha, un type de force vitale qui se déplace dans le corps suivant un cycle de 28 jours et dont la position est toujours prise en compte par l'amchi avant l'administration d'un traitement. C'est pourquoi, traditionnellement, un amchi est toujours formé à l'astrologie tibétaine conjointement à la médecine tibétaine.

Pour rééquilibrer les trois humeurs, des conseils en matière d'alimentation et d'habitudes de vie sont utilisées en premier lieu, adaptés à la constitution qui est propre au patient. Les aliments sont catégorisés selon leurs bénéfices pour chacune des trois humeurs et l'alimentation joue un rôle majeur dans le maintien de la santé et la guérison. En second lieu sont utilisées les thérapies externes comme le massage Ku Nye, la moxibustion (combustion de cônes d'herbes médicinales sur des points d’acupuncture), les moxas ou les ventouses (créant un vacuum à même la peau du patient afin d'évacuer les toxines). Il existe en thérapie interne plus de 2000 formules à base de plantes médicinales ainsi que les remèdes alchimiques appelés pilules précieuses.

Les rituels et prières jouent également un rôle dans le soin apporté aux patients. Dans le Gyud Zhi sont décrites 404 maladies et leurs traitements. De ces 404 maladies, 101 peuvent être guéries par la diète et le mode de vie, les remèdes à base de plantes et les thérapies externes, toutes les autres maladies sont considérées comme étant des résultats du karma et ne peuvent être soignées que par des rituels et des prières réalisées par le patient ou par l'intervention d'un lama hautement réalisé. Il est dit qu'un médecin obtient de meilleurs résultats lorsqu'il applique la compassion auprès de ses patient que s'il s'en tenait à administrer les traitements de manière neutre. Aussi, la compassion est la méthode de guérison la plus estimée de la médecine tibétaine, le but n'étant pas seulement l'homéostasie physique et mentale mais aussi l'illumination spirituelle du patient et du médecin. C'est pour cela que la méditation et les yogas tibétains sont valorisés comme moyens de guérison puisqu'ils permettent de maintenir les canaux souples et ouverts, harmonisent les humeurs et permettent de travailler sur l'esprit, dont le connaissance est si développée dans le bouddhisme tibétain.

 

Le Men-Tsee-Khang

L'équilibre des trois humeurs et l'entretien des canaux énergétique amène santé et vitalité. Ce mode de soin holistique ne fait pas que réduire les symptômes des maladies mais bénéficie au corps entier, physiquement et énergétiquement. Bien que les trois humeurs et le corps énergétique ne soient pas pris en compte dans la médecine occidentale, le dialogue avec cette science de guérison millénaire est très utile. C'est surtout au travers des résultats obtenus auprès de leurs patients et de l'absence d'effets secondaire des traitements que les médecins tibétains se font connaître aujourd'hui et la science occidentale s'intéresse aux nouvelles opportunités de soin qu'offre la médecine tibétaine pour des maladies actuellement répandues, notamment les cancers, le diabète, le VIH et les maladies cardiaques. Cela offre une occasion de préserver cette science millénaire, qui continue à être enseignée et pratiquée aujourd'hui à l'Institut du Men-Tsee-Khang, fondé en 1961 par le gouvernement tibétain en exil à Dharamsala en Inde, après que le Men-Tsee-Khang fondé à Lhasa en 1916 ait été détruit durant l'invasion du Tibet. L'institut a aujourd'hui plus de 40 antennes disséminées en Inde et au Népal et effectue un travail porteur de préservation du canon médical tibétain, de formation des médecins et de préparation des remèdes médicinaux. D'autres centres d'enseignements ont depuis vu le jour comme l'Institut médical tibétain Chakpori à Darjeeling et de nombreux amchis sont également venus pratiquer et enseigner en occident et à travers le monde, contribuant à rendre cette précieuse sagesse accessible à tous.

 

« Pour les bouddhistes, la vie est précieuse et la foi est exprimée en un soulagement des souffrances. Donc il n'est pas surprenant que la pratique bouddhiste aille main dans la main avec un système médical qui cherche à soutenir et à améliorer la vie et le bien-être. Le bouddhisme tibétain est fondamental à la médecine tibétaine. Le Bouddha est le docteur suprême qui découvrit la cause racine de toute souffrance : marigpa, ou la croyance en un soi. Il expliqua que la souffrance a son origine dans l'esprit, telle une « ignorance fondamentale » donnant naissance à 84 000 maux psycho-émotionnels. Le remède est de comprendre que le karma, ou la cause à effet, est la nature de tout phénomène, et de découvrir la nature lumineuse de l'esprit, d'où provient l'élixir suprême, la compassion. La pratique de la méditation promouvant la compassion et la conscience de l'illusion du soi est cruciale pour se guérir soi-même et autrui. »

Ralph Quinlan Forde, « The Book of Tibetan Medicine, how to use Tibetan healing for personal wellbeing », Gaia, 2008, page 11, traduction personnelle.

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